Couleur du vin : les travaux de Patrick Trouillas distingués dans une prestigieuse revue

Patrick Trouillas, enseignant-chercheur au laboratoire de Pharmacologie des immunosuppresseurs et de la transplantation, a publié un article dans la revue à fort impact factor « Chemical Reviews »* sur les interactions entre les molécules colorées d’origine naturelle – présentes dans les fruits, les légumes, les produits dérivés – et celles présentes dans le vin.

Quel est l’objet de l’article ?

Il existe dans le raisin et donc dans le vin rouge des molécules colorées (les anthocyanes). La couleur rouge est très sensible à l’acidité et n’est pas très stable, parce que les anthocyanes se transforment. Ils peuvent être stabilisés par la formation de liaisons non covalentes avec d’autres composés naturels. Ce phénomène est appelé copigmentation, car il résulte de la rencontre d’un pigment et d’une autre molécule appelée copigment. Ces assemblages influencent les propriétés optiques des pigments et modulent la couleur du vin.

Pour comprendre ces assemblages moléculaires non covalents et leurs propriétés optiques, nous faisons de la modélisation moléculaire. Il s’agit de faire des calculs sur super ordinateurs. Couplés aux données des chercheurs expérimentateurs, nos calculs ont donc permis de comprendre comment s’assemblent les pigments et les copigments dans le vin, et d’expliquer les modulations de couleur qui en résultent. Notre article dans Chemical Reviews a été la concrétisation de plusieurs années de travail en spectroscopie moléculaire au sein d’un réseau interdisciplinaire et européen, encore très actif aujourd’hui. Je suis encore aujourd’hui sollicité ponctuellement pour des expertises sur les propriétés optiques des anthocyanes (pigments du vin), notamment, car je reste passionné par la spectroscopie moléculaire qui permet de comprendre les mouvements des électrons responsables de la couleur.

Quelles seront les applications liées à cette recherche ?

L’industrie agroalimentaire commence à s’intéresser à notre travail car le phénomène de copigmentation avec des interactions non covalentes permet de stabiliser la couleur. Dans le cadre d’un précédent programme européen, un consortium s’est intéressé à la couleur du vin avec pour objectif pratique de comprendre et contrôler les modulations de coloration du vin. J’ai en tête une journée très particulière au cours de laquelle nous avons visité, le matin, un vignoble expérimental conservant une collection unique et innombrable de cépages différents, et, l’après-midi, nous avons discuté de chimie quantique permettant de comprendre les différences de coloration entre les différentes variétés de raisins. C’est donc une recherche très interdisciplinaire : de l’échelle atomique à des applications très concrètes inspirées par la nature.

Qu’espérez-vous de cette découverte et de votre article ?

Nous pouvons réellement espérer des débouchés concrets dans l’industrie agroalimentaire, comme ceux que je viens de citer. La publication dans Chemical Reviews donnera aussi du crédit au laboratoire. C’est aussi pour moi une reconnaissance scientifique qui permet d’interagir avec plus de personnes dans les manifestations scientifiques, et peut déboucher sur de nouvelles collaborations dans tous les domaines de recherche que nous développons. Cet article devrait nous permettre de renforcer le réseau de collaborations européennes et de gagner encore en crédibilité lors de dépôts de projets de recherche aux échelles nationale et européenne.

*Celle-ci se classe en deuxième position des journaux scientifiques – toutes disciplines confondues !

(Propos recueillis par Françoise Mérigaud. Entretien paru dans Limousin Université, n°121, octobre 2016)