Guillaume, prêtre et futur docteur en pharmacie

Edit 10 mars 2022 : depuis ce jour, 16:00, Guillaume est titulaire du Diplôme d’État de Docteur en pharmacie, sa thèse ayant été acceptée avec la mention Très Bien. Soyez le bien venu au club, Dr Zango !

Bonjour Guillaume. Dites-nous qui vous-êtes.

Je suis Guillaume Z., j’ai 37 ans, je suis Burkinabè. Après 3 ans d’études en Philosophie et 4 ans d’études en Théologie, j’ai été ordonné prêtre en 2011 dans le diocèse de Ouahigouya au Burkina Faso, en Afrique de l’Ouest. J’ai exercé comme prêtre dans une paroisse dans mon pays pendant 3 ans. En 2014, mon évêque m’a envoyé en France pour des études en Pharmacie. Actuellement, je suis prêtre étudiant : j’exerce mes activités pastorales dans le diocèse de Limoges, en particulier à Sainte-Claire et à la confrérie Saint-Aurélien (Confrérie des Bouchers de Limoges) dont je suis l’aumônier ; et je suis en année de thèse à la faculté de Pharmacie de Limoges.

Pour quelles raisons êtes-vous venu à Limoges ?

Je suis venu à Limoges pour des études de Pharmacie. J’avais commencé ces études au Burkina Faso en 2013, mais pour des raisons d’instabilité politique, je suis venu en France afin de bénéficier des années d’études beaucoup plus calmes et rassurantes.
Le but est de repartir au Burkina Faso après mes études pour ouvrir une pharmacie catholique à but social et humanitaire. Cette mission est très importante, car nous sommes un pays économiquement pauvre. Plusieurs personnes n’ont pas accès aux médicaments dits essentiels selon l’OMS, et donc n’arrivent pas à se soigner dignement. La santé est un bien fondamental pour tous les hommes. Au Burkina Faso, les médicaments sont parfois très chers et inaccessibles pour des multiples raisons. L’Église en Afrique et particulièrement au Burkina Faso est très impliquée dans plusieurs domaines comme l’éducation et la santé. Pour abonder le financement de ma future pharmacie, la patientèle de la Pharmacie de la Mairie à Condat-sur-Vienne, où j’ai fait mon stage de 6e année, a pu participer à une cagnotte que nous avions installée. De même, la fondation Mil’Ami sur HelloAsso ou l’Association Diocésaine de Limoges ont mis à disposition du public une plateforme de dons pour m’aider à mettre en place ma structure sociale.

Et pourquoi Limoges ?

Je suis venu à Limoges parce que le diocèse de Limoges et mon diocèse au Burkina Faso sont jumelés. En acceptant de m’accueillir, le diocèse de Limoges contribue ainsi à ma formation et à la réalisation de mon projet. De plus, l’université de Limoges a accepté de m’accueillir quand j’ai postulé à Campus France au Burkina Faso. Enfin, j’avais rencontré une préparatrice en pharmacie de la région, venue en mission humanitaire dans mon pays, et c’est grâce à elle que j’ai pu rencontrer ma maître de stages officinaux.

Aviez-vous des relais en Limousin qui vous ont épaulé/aidé ?

Oui mes chrétiens sont pour moi un grand appui. Et puis, ceux que j’ai côtoyés depuis 2014 dans le cadre de mes études m’ont beaucoup encouragé et soutenu. À 30 ans, j’ai passé le concours de la PACES. Il a fallu que je m’accroche car j’avais un peu décroché avec les études scientifiques après mon baccalauréat pour me former pendant 7 ans à être prêtre. À la fac, je n’annonce pas à priori que je suis prêtre ; j’essaie d’être comme les autres étudiants et jeunes. Certains étudiants découvrent que je suis prêtre quand ils viennent à la messe, cela les étonne. Pourquoi suis-je sur les bancs à la fac ? Je passe beaucoup de temps à raconter mon histoire et là ils sont intéressés. Grâce aux multiples soutiens et encouragements, je suis maintenant à la fin de mes études avec ma thèse d’exercice que je soutiendrai bientôt.

Quelles sont les difficultés que vous avez rencontrées lors de votre arrivée ? Et dans votre vie quotidienne à Limoges ?

Il y a une grande différence entre le Burkina Faso et la France. C’était la première fois que je quittais mon pays. Il a fallu à mon arrivée m’adapter d’abord et surtout au climat, puis à la façon de vivre en France. Je n’avais pas beaucoup de relations à mon arrivée ; et à la fac, avec l’année du concours, ce n’était pas évident de se faire rapidement des amis. Les deux premières années, j’étais presque seul à la fac. Je me suis fait des amis avec le Tutorat Santé Limoges. Maintenant, je ne suis plus seul. J’ai plusieurs amis dans ma promotion.

Quels sont les aspects de la vie en Limousin qui vous ont déplu ? Et ceux qui vous ont le plus enthousiasmé et que vous regretterez en quittant la région ?

J’ai vite compris et accepté la différence. Peu de choses m’ont déplu en Limousin ; même si au début, j’ai trouvé les gens réticentes. En fait, c’est normal, c’est le temps pour découvrir l’étranger. Les Limousins n’ont pas tardé à me dire « chabatz d’entrar », et là j’étais enfin content et je me suis senti bien accueilli.
Je garde un très bon souvenir de Limoges, ville accueillante et cosmopolite. J’ai beaucoup bénéficié de la générosité française. Durant les 7, voire 8 ans de présence dans le Limousin, je me suis fait un bon réseau d’amis à la fac et à l’Église. Je suis sûr qu’ils me manqueront mais on gardera toujours une bonne relation même à distance. J’espère qu’ils suivront avec attention l’avancée de mon action dans mon pays.

J’aurais voulu apporter de la pluie et de la verdure de Limoges au Burkina Faso !

Au cours de vos études, quelles situations ont été difficiles à vivre pour vous  ?

Vous savez, à 30 ans, ce n’est pas évident de s’asseoir sur le même banc avec des jeunes de 17 à 18 ans pour apprendre, surtout en Pharmacie. J’ai senti le décalage d’âge, de penser et de concevoir les choses. Il y avait aussi la différence de culture et de mentalité. La façon de se comporter n’était pas la même. Au début, quand je m’exprimais, mes camarades savaient tout de suite, par mon accent, que j’étais étranger, venu d’ailleurs… J’ai quand même eu un peu du mal à me « coller » à certains étudiants au début. Je me rappelle que je passais seul certaines pauses de 5 à 10 minutes entre les cours.
Le jeune étudiant français quand il ne te connaît pas, tu as l’impression qu’il te rejette. Mais une fois qu’il a fait ta connaissance, vous pouvez devenir facilement des amis. J’adore les taquineries, par contre je déteste les moqueries (j’imagine que tout le monde est comme ça !).
Avec les enseignants, j’avoue que tout s’est très bien passé. Je n’ai pas de point négatif à dire, sinon que du positif. Chacun nous formait avec beaucoup de sérieux, d’attention, de justice et d’égalité. C’est très bien. J’ai eu de très bons enseignants. J’aimais beaucoup quand certains enseignants, au-delà de leur matière, nous enseignaient certaines valeurs humaines et sociales, le respect de l’autre, les valeurs civiques, etc. Les travaux en petits groupes permettaient d’accompagner chacun de plus près. Beaucoup faisaient l’effort de nous connaître. Certains cours étaient dynamiques et animés.
Il y a beaucoup de matières enseignées en Pharmacie. C’est très costaud, les études en Pharmacie ! J’ai dû m’adapter et travailler très dur dans certaines matières pour me mettre à jour et au niveau des autres. En mycologie et en botanique par exemple, je pense que les autres avaient déjà des connaissances minimales et générales que moi, je n’avais pas. J’ai travaillé très dur ces deux matières pour ne pas redoubler surtout en 2e et en 3e année. Chez moi, c’est presque désert ; il y a peu de plantes. C’est sec chez moi, il n’y a pas beaucoup de champignons. Ici, il y a beaucoup de plantes et de champignons. J’ai appris à reconnaître les cèpes de Bordeaux (Boletus edulis), alors que la plupart de mes camarades étudiants français les connaissaient déjà. Et ce n’est pas tout, je ne savais même pas que c’était très bon à table ; eux, le savaient bien !
En anglais aussi, j’ai trouvé que l’accent était très rapide pour moi, donc je ne saisissais parfois pas très bien.
Je ne suis pas un surdoué. Pour les périodes de révisions, j’aurais bien voulu plus de temps pour bien assimiler et réviser toutes ces multiples et grandes matières. Mais les périodes de révision étaient parfois courtes. Et il y avait par moment de la pression. En plus, j’avais mes activités pastorales à côté en tant que prêtre. Ceux qui étaient proches de moi ont remarqué que je travaillais tout le temps, et même très tard le soir. J’avais la volonté d’apprendre et de réussir.

Et quels moyens avez-vous mis en œuvre pour les surmonter ?

Pour surmonter ces quelques difficultés scolaires (chaque étudiant a ses difficultés), je me suis mis dans l’esprit d’un élève : humble, ouvert, persévérant, ne pas se décourager et surtout avoir la volonté de réussir. En anglais par exemple, avec l’aide de ma professeure qui était très gentille et pédagogue, j’ai beaucoup suivi des films et des conférences en anglais sur internet, personnellement, pour m’habituer à l’accent et au rythme. Je pense qu’à la fin, elle était contente de mon progrès et de mon niveau.

À l’inverse, quels aspects des études universitaires vous ont été les plus agréables ?

Comme cours, j’ai beaucoup aimé la pharmacologie, les matières biologiques et la chimie. J’ai aimé aussi les stages pratiques dans les pharmacies. C’était nous mettre face à la réalité de la profession.
J’aime beaucoup l’esprit de solidarité et de soutien pour réussir ensemble. J’ai beaucoup aimé le Tutorat et je souhaite que ça se poursuive toujours.

Le savoir est savoir parce qu’il est partagé. Un intellectuel n’est jamais égoïste. Les études universitaires doivent nous aider à être ouverts et collaboratifs.
En principe, l’enseignement à l’Université, quelle que soit la faculté, ne doit pas seulement instruire les étudiants ; il doit aussi les éduquer à la vie, à la maturité ; bref, à être des humains.

Vous allez bientôt soutenir votre thèse d’exercice : sur quel sujet porte-t-elle ?

Je soutiendrai ma thèse en début mars 2022. Le thème porte sur le paludisme en lien avec l’environnement au Burkina Faso. Je suis encadré dans ce travail de thèse par le Professeur Jean-François Faucher (chef de service d’infectiologie au CHU) et par Alexis Desmoulière, professeur de physiologie à la faculté.

Vous allez donc être titulaire du Diplôme d’État de Docteur en pharmacie : comment va-t-il vous servir ?

J’en suis fier, parce que c’est le résultat de plusieurs années d’efforts soutenus. Je suis content de finir les études et de me retrouver sur le terrain maintenant pour réaliser le projet que mon évêque m’a confié.
Je repartirai au Burkina Faso pour mettre en place une pharmacie dont je serai le titulaire. Cette pharmacie sera au bénéfice de l’Afrique et du Burkina Faso en particulier. Mes études serviront aux plus pauvres et aux plus démunis. Je suis heureux de contribuer au bonheur des autres.

Et pour finir ?

Je dis merci à vous, le webmaster, qui m’avez permis de m’exprimer dans ces quelques lignes. Merci à Françoise M.-F.de sa visite bienfaisante pendant mon stage de six mois en officine l’année dernière. Merci pour l’intérêt porté à mon projet.
J’ai pu bénéficier d’un enseignement de qualité à Limoges. Merci à tous les enseignants, sans exception, et à l’ensemble du personnel de la faculté de Pharmacie de Limoges. Merci aux pharmaciens qui m’ont accueilli et formé lors de mes stages. Merci à tous ceux qui m’ont soutenu.
À mes camarades d’études et à tous mes promotionnaires, je souhaite le meilleur dans la vie professionnelle.
Je garderai toujours un très bon souvenir de mes études à la faculté de Limoges.

Au revoir Limoges ! Merci Limoges !
Guillaume Z.
Prêtre pharmacien.

Ne manquez pas les articles consacrés à Guillaume dans la presse écrite professionnelle ou ultramarine, ainsi que le reportage que lui a consacré France3 Limousin/NoA.